activation artistique

ACTIVER LA CRÉATION DANS L'ESPACE PUBLIC

~Résidences artistiques~


Freddy Tsimba
& Allison Daumain

2011

FREDDY TSIMBA


le projet

Suite à une visite de quatre jours à Hautepierre, Freddy Tsimba a pu ressentir l’ambiance du quartier. Il a été sensible à l’idée de mobilité et de diversité culturelle qui s'y impose. Son projet de sculpture porte alors sur les histoires des exils à Hautepierre. Il sculpte des personnages monumentaux portant des valises, qui représentent le déplacement.

Le 18 octobre 2011, Freddy Tsimba a été expulsé et  « mis dans l’avion ».

Il arrive que l’étranger ait un nom propre et soit connu. Celui-ci s’appelle Freddy Tsimba. En théorie, il relève de la catégorie des migrants temporaires. Il vient et il va, il rentre chez lui. Il est attendu sur les deux continents.

Il a introduit  une demande de visa pour six mois, pour sa résidence à Horizome, sur base d’un dossier d’invitations. S’il a conquis une belle reconnaissance dans son domaine de compétence artistique, l’administration des affaires étrangères ne veut pas le savoir.

Freddy Tsimba est sculpteur et plasticien. Il est né en 1967, en plein cœur de Kinshasa, où il travaille toujours.  Depuis sa médaille d’argent aux 4e jeux de la francophonie à Ottawa en 2001, il circule à travers le monde pour présenter son travail. Il est notamment l’auteur de la sculpture emblématique de Matonge, au croisement de la chaussée de Wavre et de la rue Longue Vie à Bruxelles. Son langage est plastique. Mais il parle avec des douilles qui ont tué et des cuillères qui ont mangé. Il soude et fond des sculptures gigantesques dans « le couloir de l’humanitaire », un couloir de 1/10m, entre deux bâtiments. Il sculpte l’histoire fracassante de son pays. Il réalise des sculptures à figures humaines ou singesques, des corps de réfugiés, d’exilés, de combattants, de femmes enceintes avec des matériaux de récupération tels que des douilles ou des couverts en métal. Dans son travail, on peut noter l’importance particulière du processus de fabrication. Les traversées périlleuses de son pays jusqu’aux zones de combat à la recherche de douilles, sa collecte quotidienne de mauvais couverts en métal dans les rues de Kinshasa font partie intégrante de sa démarche artistique. C’est là qu’il récolte les histoires de ses concitoyens et qu’il écrit les mémoires de sa République Démocratique du Congo, les couches sédimentaires qui rendent ses sculptures aussi vivantes et frappantes.
Mémoires de Hautepierre
Travail avec des matériaux de récupération en métal.
Utilisation de matériaux de caddies, (présents partout sur Hautepierre), et parce que
« C’est le ventre qui commande, on ne peut pas oublier le ventre ».
L’idée serait de les aplatir et les souder et assembler avec d’autres matériaux.

Site de Freddy Tsimba

Film documentaire
Réalisation : Hervé Roesch

Cela fait pourtant des années qu’il vient régulièrement en Europe. Il a fait l’objet d’une « erreur système » mais, le réflexe commun et systématique est de transférer la faute sur la victime. Le libellé du visa prête à confusion. Freddy Tsimba a compris qu’il avait un visa de six mois conditionné à deux fois 90 jours consécutifs sur le territoire Schengen. Il aurait dû comprendre qu’il n’avait que 90 jours à l’intérieur d’une période de six mois. La maison Schengen de Kinshasa a ignoré ses contrats. Tout le monde n’y a vu que du feu. L’agence fédérale de coopération culturelle qui a fait la réservation du vol pour la première période, la compagnie aérienne avec laquelle il effectue l’aller-retour Kinshasa- Bruxelles, l’inspection des frontières à l’aéroport de Zaventem qui le laisse sortir alors qu’il est illégal depuis six jours, la même compagnie aérienne qui encaisse le prix d’un second billet aller-retour Kinshasa-Strasbourg. À son arrivée à l’aéroport de Bruxelles-National, il est immédiatement arrêté en zone de transit. La compagnie reçoit une amende de 4500 euros pour avoir transporté un « illégal », dont elle devra s’acquitter auprès de l’État belge. Freddy Tsimba est placé en centre fermé. Il demande qu’on lui explique. Pourquoi suis-je d’emblée abordé et traité comme un criminel, enfermé ? Il vivra cinq jours avec ses compagnons d’infortune, soumis au bon vouloir de ceux qui décident, le laissant dans l’incertitude et l’angoisse de son sort. Il optera finalement pour le rapatriement volontaire, mais doit s’engager à ne pas introduire de recours au Conseil du contentieux des étrangers. L’Office des étrangers lui donne aussi la garantie orale, par avocat interposé, qu’il ne serait pas tenu compte de cet incident, étant donné son « bon profil » ! Toutefois, en flagrant délit de contradiction avec cette parole, son visa sera balafré et son passeport confisqué à son arrivée à Kinshasa. Tout cela empêchera Freddy Tsimba d'être présent à l'exposition finale de sa résidence.

ALISON DAUMAIN

le projet

Les images, entre formes normalisées de représentations et échappées imaginaires, font basculer dans le rêve. En déplaçant le point de vue sur son quotidien, on modifie sensiblement celui-ci. Grâce à l’insertion d’un nouveau langage visuel, une autre lecture de l’environnement dans lequel il s’inscrit. Cela a créé des passerelles temporaires et locales entre le vécu et le perçu, entre la réalité et le rêve.

« […]Excluant la répétition, Allison Daumain interroge de fait le statut de ces images gravées ou sérigraphiées et, à travers elles, celui de toutes les images qui sont potentiellement à la source de ces représentations. Peu nous importe de savoir ce qu’elles sont « à l’origine » puisque ce qui compte est que leur transformation ou leur matérialisation par l’impression et l’estampe aboutissent à la création d’œuvres originales et définitives, points d’arrivée d’un processus qui n’à pas besoin d’être dévoilé. La frontalité des éléments plastiques fondamentaux (composition centrée ou symétriques, couleurs pures, texture lisse…) et le minimalisme assumé de leur présentation rapprochent ces productions de celles décrites par Jean Dubuffet : « des images impeccablement brutes, douées de tout le prestige qui sacre les portraits que se font d’eux mêmes les enfants dans la neige, les marques laissées sur le sable par les pieds nus d’hommes inconnu ou de bêtes sauvages, et de façon générale tout ce qui appartient à l’ordre des traces au premier rang desquelles se placent les fossiles »5. Cette évidence plastique autorise ces « empreintes » à entrer dans la catégorie des images signes à laquelle appartiennent aussi les pictogrammes ou les logotypes. […] »

Extrait du texte « une œuvre originale », Antoine Reguillon, Conseiller pour les Arts Plastiques, DRAC du Limousin
Catalogue d’exposition / Orangerie du Château de la Louvière / Montluçon / Édition Shakers
Rêves éveillés, Une signalétique poétique et participative pour Hautepierre
Profitant de la « tournée des mailles » et de ces instants de rencontre et de partage, Allison a proposé aux enfants un atelier autour de la création d’une signalétique imaginaire pour leur quartier. Et ainsi susciter une relation nouvelle à l’espace, réfléchir au futur du quartier, y projeter leurs attentes, leurs rêves… Interroger les utilisations usuelles de l’espace urbain et de leurs logiques.

Les enfants se sont emparé du langage et des formes en usage dans l’espace public (panneaux directionnels, d’interdiction, d’obligation, etc…) Les loisirs, le jeu, voire la farce et l’absurde ont été les principales réponses. Les idées et les dessins ont ensuite été triés, sélectionnés, puis « synthétisés » en saynètes poétiques et pictogrammes.

Quelques exemples de panneaux imaginés puis imprimés ensuite en sérigraphie : le « Distributeur de bonbons » de Firat, « Attention, passage de nuages » de Nawal, « Ici, fête foraine » d’Ilias ou encore « Territoire de bataille de d’eau » de Cédric…. Allison a ensuite installé les panneaux dans tout le quartier. Dans une logique de prolifération et d’invasion, ils ont été plantés au cœur des mailles dans ces contre-espaces propres aux enfants que sont les bosquets, les espaces de jeux, mais aussi dans ces excroissances urbaines que sont les bacs bétonnés. Ces panneaux introduisent des signes perturbateurs dans la lecture quotidienne de l’espace par les habitants.